Pierre Renart, le bois à l’infini

Ses meubles intriguent et invitent. Ils appellent le toucher, la caresse. Ce sont des courbes douces comme on en trouve dans la nature, des ondulations infinies comme il en existe dans les univers imaginaires des savants ou des artistes comme lui. L’ébéniste et designer Pierre Renart fait plier le bois au gré de sa volonté et de ses rêves. La magie peut alors entrer dans les intérieurs.

Créer des meubles, des objets, il en rêvait depuis son plus jeune âge, dès cinq ans dit-il. « Je voulais réaliser de mes mains des objets en bois car c’est un matériau relativement facile à se procurer quand on est enfant ». Parce qu’il est né dans les Pyrénées et que le bois n’y manquait pas, Pierre Renart a réalisé de petits jouets, des épées, une trottinette, même, plus tard.

Cette envie-là aurait pu s’étioler, se laisser remplacer par une autre. Au contraire, elle s’est renforcée avec le temps. Après avoir obtenu un Bac S, lorsqu’il s’est agit de choisir une direction, il a postulé à la fameuse école Boulle à Paris, une école supérieure des arts appliqués. « Je l’ai choisie parce qu’elle me permettait à la fois d’apprendre et de maîtriser un savoir-faire, en l’occurrence le travail du bois, et qu’elle encourageait la créativité en nous enseignant le dessin et la création de meubles et de formes ». Pierre Renart entre à l’école Boulle en 2008, il en ressort en 2011, major de sa promotion après avoir obtenu la note absolue de 20/20. Ce qui lui a valu ces honneurs? Un fauteuil ou plutôt deux.

Dans le cadre de ses études, le jeune ébéniste a été invité à copier un objet. Il a choisi un fauteuil Art déco de Raymond Gillet, un siège de bois à l’assise recouverte de tissu créé en 1933, qu’il a reproduit à l’identique. Puis il s’en est inspiré pour en donner une interprétation contemporaine en lamelles de Corian blanc et fibres de carbone noires qu’il a baptisé Genèse. Sa première création. Il a respecté les proportions, les lignes et la forme des pieds du modèle original mais l’effet est totalement différent. Quand on regarde ce siège, on a le sentiment que l’ébéniste a dessiné de grandes arabesques au feutre noir dans l’air et qu’elles se sont matérialisées. « Mon but était d’utiliser des matériaux contemporains pour faire un objet qui soit comme une calligraphie à l’encre de chine, avec des lignes pures et élégantes, en hommage à l’élégance du style art déco», explique-t-il.

A peine sorti de l’école, ce virtuose du bois est remarqué par la galerie itinérante Maison Parisienne, qui le représente en exclusivité et avec qui il a déjà participé à des dizaines d’expositions en France et à l’étranger.

La deuxième œuvre qui a valu à Pierre Renart de se faire connaître des collectionneurs du monde entier est une console inspirée par la boucle sans fin du mathématicien August Ferdinand Möbius, qui lui a donné son nom. « Quand j’étais à l’école Boulle, j’avais un ami qui était passionné des bandes dessinées du dessinateur Jean Giraud, dont le pseudonyme est Mœbius. En faisant des recherches sur lui, je suis tombé sur le ruban du mathématicien Möbius et cette forme m’a fasciné. Malheureusement, cet ami est décédé peu après et pour lui rendre hommage j’ai décidé de créer un meuble qui soit comme une boucle sans fin ».

Cette console Möbius semble avoir été taillée au cœur d’un arbre ayant poussé en dépit de toutes les règles de la nature. Elle relève de l’œuvre d’art. En passant la main sur ce ruban de bois sans fin ni commencement, on ne sent pas les jointures: tout est lisse, parfait. La technique qu’il utilise est le lamellé collé. « Il s’agit d’une sorte de mille-feuilles. Une multitude de fines tranches de bois qui font 1 mm d’épaisseur sont superposées, collées entre elles et placées de manière à ce que les assemblages ne se voient pas. Je pars d’un ruban plat et je vais le courber pour former cette boucle infinie. Toutes mes consoles sont des pièces uniques et elles sont pliées différemment selon l’essence choisie et les courbes que celle-ci peut accepter. C’est le bois qui trouve la limite qui lui correspond ».

Dans ses ateliers dans la région de Blois, Pierre Renart travaille comme un sculpteur et son processus de création est unique pour un ébéniste. Plutôt que de faire le dessin d’un projet, il réalise une maquette à l’échelle de 1/10e. « Je travaille avec de fines plaques de bois et je cherche les courbes et les formes directement sur la maquette afin de trouver une esthétique qui me convienne, tout en intégrant déjà les contraintes techniques. Si la maquette fonctionne, si elle est stable, résistante, équilibrée, alors le meuble le sera aussi lorsqu’il sera réalisé en taille réelle, soit en dix fois plus grand. Je n’aurai pas de mauvaise surprise. C’est à la fois ma manière de créer et de matérialiser le projet que je vais présenter à un client ».

Quel serait son Graal, le meuble ultime? « J’aimerais créer une table sans pied qui soit suspendue depuis le plafond ou accrochée dans le mur, comme une sculpture. Le plateau flotterait dans l’air et on pourrait y manger tout autour. C’est mon rêve… »

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